Enfants de l’Apocalypse
Jouant dans les champs de ruines poétiques
Où rien ne peut plus faire sens
Dans les éclats de conscience
Perte du rythme, de la foi aux symboles
De la transcendance, de la Voix lyrique
Retrait du génie humain, et de toi, feu public
Adieu Poésie
Au détriment du visuel suprême
Et des pornographies omniscientes
Règne du narcissisme immanent à tout va
Violences animales dans les stades
Oscillant entre oral et (b)anal
Renfermement, cloisonnement, sclérose des lieux scolaires
Reproduction d’ouvrages à but didactique
Et critiques —très peu lus—
En vue de vaines promotions universitaires
Sayonara Poésie
Nullité crasse du style et dictature du concept neuf mal recyclé
Du haïku readymade minable
Faussement harmonieux
Au slam lourdingue, prétentieux et pauvrement rimé
Servi par des idées à l’esprit pâteux
Asservi à des opérations de Partnership
Bye-bye Poésie
Millions d’albums vendus —ô génie de la langue, le français est tendance—
Tandis qu’inévitablement s’accentue la décadence absolue de la forme
Jamais dépassée, à peine compensée
Par la plus envoûtante des proses
Par le plus passionné des baisers au cinéma
Impotents les anciens dans les livres jaunis qui
N’ont pas su transmettre
Des siècles refermés
L’art des belles lettres autant que la salutaire rédemption par l’Art
A leurs élèves décervelés par le royaume des icônes vulgaires et du bruit
Aeternum vale Poésie
Parents à la fois complices et offusqués, trop occupés
A produire et s’oublier dans le pré-consommé
Diktat de la machine pour les oreilles, la bouche
Obstruer chaque orifice
Contrôler les évacuations
Compressions des corps malléables
Jusqu’aux inévitables implosions
Démembrement des organes et des sens
Dans les espaces mercatiques culturels fléchés en tous points
Et pour les yeux dont les horizons sont masqués
Par les toiles de fond, les trompe-l’œil, les écrans aussi plats que ce monde
Et les matte paintings sur nos plafonds étoilés
Pour ces yeux, il ne leur reste plus qu’à pleurer
De s’être abîmé la vue et de ne pas avoir su voir autrement
Qu’avec le filtre des interfaces oniriques paramétrées
Jusqu’à ce qu’un soir les refermer
Et pour la première fois au petit matin oser regarder.