Seule voix, lourd masque d’airain
Ornant tes lèvres de murmures
Longtemps réduites en sculptures.
Il faudrait un rire serein
Triste visage, rougis-tu ?
Une parole qui ennivre
De cette onction que se délivre
Enfin ton cœur qui s’était tu.
Seule voix, lourd masque d’airain
Ornant tes lèvres de murmures
Longtemps réduites en sculptures.
Il faudrait un rire serein
Triste visage, rougis-tu ?
Une parole qui ennivre
De cette onction que se délivre
Enfin ton cœur qui s’était tu.
Logorrhée
Niaiserie de poète
Suintant la beuverie
Véreux de mièvrerie
Qui fait mal à la tête
Ô vieillard ennemi
Rot verbeux de bourbasse
Ta tronche de demi
Siècle d’hier m’agace
Aspirateur d’étoiles
Pauvre auguste conteur
Raillé des chiens sans poils
Et de leur fier tondeur
Oublié de ce monde
De beaux capitalistes
Tu gis rimeur immonde
Auprès des tiers-mondistes
Ta barbe pue la crasse
Des cantiques foireux
Fondus dans la mélasse
Des livres sirupeux
Au bûcher ton papier
Coulis de caramel
Que brûle l’art pompier
Et vive les emails !
Cabridan
Dis-moi, le cabridan, c’est un géant,
Est-il vrai qu’il a d’effroyables dents ?
Est-ce qu’il crie « pish ! pish ! » ou bien « cot ! cot ! »
Quand il déguste son pot de compote ?*
Mais non, il ne chante qu’en occitan
Et c’est un frelon qui n’a pas de dents,
Qui fait des « bzz bzz » quand sa queue gigote
Dans le gros bocal rempli de griottes.
variante : un exquis polyglotte
Prédateurs
Toi, le bourdon qui me le file
Belle Arachné ma vie défile
Ronge mon sang pour que s’efface
Ce gros cafard — que la vie lasse
Et quand tout ne tient qu’à un fil
Longue est la langue du reptile
Pauvre avorton sans carapace
Proie des sangsues — la mort qui passe.
Poisson-chien
« qu’elle fredonne l’air miraculeux des quatre points cardinaux
qui nous protègent contre l’égarement du chien pour-
suivant éternellement sa queue » (Extrait de : André Breton, essais et témoignages. A la Baconnière.)
Lorsqu’un affreux molosse manque
De chien
Plus que
D’os et de chiennes
Bête noire
D’un cynique concours canin
S’entortillant dans ses chaînes
Tel un cerbère de foire
Sans têtes
Ni queue
Qui se la mord
A qui mieux-mieux
Sans succès
Et sans espoir
De n’être rien de plus
Qu’un moins que rien
Que dire du poisson pané
Déjà mort
Dans l’assiette
Sans queue ni tête
Comme Médor
Qui a mordu
Pour le pire
Cela va sans dire
Le poisson pané
(De morue)
Très fort
N’est-il pas
Mort
Déjà
Ozoneurs (rendus à nos dépouilles)
L’ozoneur éraillant nos fibres erratiques
Ranime les esprits des amours amniotiques
Vivre l’exil ne vaut-il pas mieux que s’offrir
A cette alcôve où le cœur ne peut plus s’ouvrir
Battant dans les vaisseaux un fredon de moteur
Riveté au poitrail cynique escamoteur
D’où un gaz asphyxiant les bouches distendues
Dissipe le limon de nos langues perdues
Vivre l’exil ne vaut-il pas mieux qu’espérer
Dans cette cage au corps qui peine à respirer
Un instant s’affranchir de la boîte à bonheur
Et s’enfuir ivre enfin loin de son ozoneur.
La reine araignée
Que la reine araignée
Se sent bien fatiguée
De tisser pour tuer
Les bestioles ailées
Qui font mille courbettes
Et tant de simagrées
Priant d’être épargnées.
« Que laides sont ces bêtes,
Autant donc les saigner »,
Dit-elle, d’un ton grave,
Emballant ses cadavres
Pour la sainte journée.
Chaîne de montage 1
En des pressions agnosiques
D’où s’extraient les oraisons
Mon rêve d’espace blanc
Se berce aux parois des glottes
Les symptômes positifs
Nous font aller deux par trois
Crier agacer les bêtes
Au grand dam des vieux savants
La mienne a un œil impur
La tête à côté des doigts
Elle regarde sans sourire
Ses organes transparents
Bucéphale
Quand du ramdam des fers ensorceleurs
S’envole la fumée des ongulés,
La bouche écumante des grands trotteurs
Enivre les soudards yeux affolés
Par les coups d’éperon des fiers dompteurs
Qui, aux sons des cravaches décuplés,
S’oublieront dans une orgie de couleurs :
Casques de fiel, casaques bariolées.
La jument rebelle aux grands yeux pivoine
S’en ruera toujours bien d’avoir perdu
Le droit à sa double ration d’avoine ;
Eût-elle gagné, peu importe son dû
S’il faut être rossée comme un tocard :
Gare aux coups de sabots vengeurs, hussard !
Quand Benjamin Péret
Désespérait gaiement
De rencontrer un jour
Le moindre succès
Ou de changer le monde
Par ses écrits surréalistes
Sans écumer il écrivait
Des nuits de beurre *
Et des joyaux secrets **
Semés d’amours fantaisistes
Il avançait tête baissée
Comme le font les crustacés
Malgré les désespoirs
Au gré des mers de cuirassés
Et des écailles tristes
Ou peut-être il s’en fichait
« Un point c’est tout » écrivit-il
Dans « Les 4 vents » (1946)
Ce qui semble peu de chose
A ce qu’il paraît pour casser les vitrines
« Un saut de puce comme une brouette
Dansant sur les genoux des pavés…» ***
Un saut dans « la bouche et les oreilles
D'un dieu salubre et fort » pourtant ****
Pour « transformer le ciel » *****
Et tes « yeux de paon » *****
« Une île où je voudrais dormir avec toi » ***
Résument assez mal dans quel fatras
Benjamin naviguait entre les guerres
Et « le mollusque invisible d’autrui » ******
Ici-bas
* Nébuleuse
** Air mexicain
*** Un point c’est tout
**** Immortelle maladie (1924)
***** Dormir dormir dans les pierres (1929)
****** Des cris étouffés (1957)