Fouillis urbains
On se retrouvera dans ces fouillis urbains
Entre les no man’s lands de l’espérance citadine
Et les lieux impudiques aux friches poussiéreuses
Plantées dans les déserts cultuels.
Les vibreurs sonores d’une fin de journée
Viendront nous réveiller des longues torpeurs
Chargées de l’indifférence de nos radiateurs tièdes.
Nous nous disputerons alors les points névralgiques
De nos troubles résiduels.
Les marinas nous attendront au pied des plages
Pour laisser enfin les voiliers de plaisance
Nous guider vers leurs univers
De brise, d’algues et de sel :
Cap sur les archipels inconnus des hydres assassines.
Presque sans surprise, les balles souples des corsaires
Viendront ricocher sur nos abdomens,
Moins réceptifs à la douleur inutile
Qu’à l’inoubliable frénésie des jours perdus en mer.
Nous viendrons nous échouer
Contre des pipelines immergés au bord
Des côtes de roches karstiques,
Aussi sensuelles que des shrapnels
Avant d’être happés par des points
D’embarquement tentaculaires.
Sur le compteur de vitesse de l’ouvrage de navigation,
Le zéro absolu se montrera fort utile à notre compréhension
Du monde vidé de ses contours.
Aussi, le transbordement entre trois cargos mixtes
S’avérera autant délicat qu’illusoire,
Puisqu’à part quelques rêves passagers à bord,
Aucun fret d’idéaux ne sera déplaçable.
Cependant, les semblants de manœuvres
Auront beau jeu de lutter avec, dans l’écume des tempêtes,
Le charivari et la beauté du tangage que les regards curieux
Sauront transformer en de fantastiques histoires de naufrages.
Tôt ou tard, il nous faudra abdiquer face
A la puissance des écrans acoustiques
Décryptant le mutisme sauvage
Et la mutinerie des passants.
Dans les profondeurs des eaux troublées,
Nos capteurs ultrasoniques nous permettront
De recontacter nos proches faits de corps et d’esprit.
Les échos fantômes sembleront perturber les signaux
Reçus de l’extérieur mais c’est avec détermination
Que nous saurons nous extraire
De leurs tourments magnétiques.
Des joies venues du plus lointain de notre monde endogène
Viendront nous soulager de nos trop-pleins d’angoisse fréquentielle
Et c’est avec délice que les aéronefs
Ravitaillés à l’arrière des frégates stoïques
S’armeront de leurs jets d’ambroisies
Pour nous tirer d’un mauvais pas marin.
On se retrouvera un jour dans ces fouillis urbains, je te le jure,
Et nous aurons tous fui nos corps décomposés par la guerre et l’usure,
Qui passent impassiblement
Par des chemins sinueux aux limbes fulgurants.
Pour ces chairs entassées, purulentes de désir et d’effroi,
Laissées à la solde de l’ignorance matérielle carnassière,
Il y aura, je m’en souviens, toujours écrit quelque part
Dans ces yeux grand ouverts à jamais,
Le silence originel de la liberté
Que l’on aime à retrouver parfois égarée en mer.